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La Guinée peut enfin dire qu’il existe bel et bien une communauté internationale

«La décadence des civilisations ce n’est pas par la tête mais dans le cœur» Aimé Césaire « La cause de la destruction des systèmes ce sont bien leurs imperfections » Thomas Hobbes

La communauté internationale ou société internationale par extension peut être définie comme étant l’ensemble des États regroupés dans l’enceinte onusienne. À ce titre l’existence d’une communauté internationale suppose d’abord un groupement d’États. Ensuite que ce groupement agit dans un cadre légal et au nom de l’ensemble des sociétés étatiques. C’est cette première définition que nous allons retenir dans le cadre de notre développement. La communauté internationale peut aussi englober l’ensemble des États de la planète même ceux qui ne sont pas membres des Nations unies. Enfin on peut dire que ce concept englobe restrictivement les États les plus influents à savoir les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Avant de parler de l’existence d’une communauté internationale, voyons tout d’abord ce que ce concept a suscité comme débat au sein des juristes du droit international.

I° La communauté internationale : concept et origine

La paternité du concept de communauté internationale et plus largement de la société internationale revient à Georges Scelles (1878-1961). Professeur de droit international à la faculté de droit de Paris de 1933-1948, Georges Scelles fonde le droit sur la solidarité qui entraîne les échanges sociaux. Partisan du fédéralisme des États, selon cet auteur, le droit international est la transposition dans l’ordre international du droit objectif. De même les règles applicables à la société Étatique peuvent s’appliquer à la société mondiale par transposition. Au moment où le grand juriste français développait ce concept, il a été qualifié d’utopiste, de manque de réalisme. Pour certains auteurs parmi lesquels Hans Morgenthau, la société internationale est une société hétérogène par opposition à la société Étatique qui est homogène. Et c’est l’hétérogénéité qui empêche la réalisation d’une société internationale, d’une communauté internationale. Pour la théorie réaliste l’ONU n’étant pas un gouvernement mondial on peut difficilement parler d’une société internationale. Chaque État se lance dans les relations internationales au nom et pour ses intérêts égoïstes. Morgenthau conclut que c’est bien la politique internationale qui conditionne le droit international et non l’inverse. A l’opposé de cette théorie réaliste, il y a la théorie juridique selon laquelle les diverses sociétés interétatiques sont regroupées dans le cadre d’une société internationale globale au sein de laquelle il y a une communauté de valeurs éthiques et morales. C’est bien Georges Scelles qui est le chef de fil et il donne comme exemple patent les Nations unies qui fonctionnent comme un gouvernement mondial. Selon cet auteur, le droit naît des nécessités biologiques. Il est sécrété par le groupe social pour la survie du groupe. Le droit n’est pas figé et les sociétés qu’il est censé régir évoluent. Les règles de droit sont appelées à se conformer à cette évolution si elles ne veulent pas entraîner une dérive. La société internationale a évolué depuis la seconde guerre mondiale. Le droit international et en particulier le droit pénal international doit obligatoirement suivre cette évolution. Depuis les tribunaux internationaux de Nuremberg et de Tokyo, en passant par ceux de Rwanda et de l’Ex-Yougoslavie et tout récemment celui de la Sierra Léone et du Libéria, la justice pénale internationale a réalisé des efforts qui méritent d’être salué même si le résultat reste relatif.

II° L’existence d’une communauté internationale en faveur de la Guinée

Comme nous venons de voir dans le développement, il n’y a pas unanimité quand à l’existence d’une communauté internationale. Comme tout concept il y a toujours des pour et contre. À ce niveau, on peut donner l’exemple de jus cogens prévu dans l’article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traités. Défini comme norme générale et impérative, reconnue et acceptée comme telle par la communauté internationale dans son ensemble, ce concept est réfuté par certains juristes qui la qualifient de parodie. Donc il n’y a pas unanimité. Dire qu’il existe une communauté internationale est désormais une réalité pour le peuple de Guinée. On a attendu longtemps une action concrète de la communauté internationale depuis les révoltes populaires de Janvier-Février 2007 réprimées dans le sang (plus de 300 morts). Le peuple martyr de Guinée attendait le Zorro, le justicier libérateur. C’est dans cette perspective que le capitaine Dadis s’empara du pouvoir sans effusion de sang. Tout le monde est pris de vitesse et le train Dadis n’a pas d’arrêts de stationnement. Malgré les condamnations de principe des grandes démocraties et des organisations internationales universelles, régionales et sous-régionales, le peuple affirme tout de suite son soutien au capitaine Dadis. La majorité du peuple croyait aux promesses d’espoir faites par le locataire de la présidence militaire de camp Alpha Yaya. Partout où il passe ce sont les mêmes paroles, je ne trahirais ni la Nation, ni mes engagements. Très vite les choses tournent au cauchemar car lors d’un déplacement à Boulbinet, le capitaine n’hésita pas à déclarer qu’il n’est pas né militaire et rien ne l’empêche d’enlever la tenue kaki et se présenter comme candidat aux élections. Il n’en faut pas plus pour que le peuple de Guinée découvre la vraie face de l’homme en Kaki. Comme l’a dit un philosophe, la panthère a ses couleurs au-dehors, l’homme a les siennes au-dedans. Ce jour-là le masque était tombé et la crise de confiance consommée. En déclarant qu’il va se présenter, l’homme du 23 Décembre a rompu le pacte républicain. C’est en exigeant le respect des engagements pris lors de l’accession de Dadis au pouvoir que le peuple de Guinée s’est rendu au stade du 28 Septembre. Malgré le calme qui accompagna la manifestation, l’ambiance démocratique qui régnait au stade, le capitaine président n’a pas hésité à envoyé ses hommes armés pour tirer sur la foule. Ces crimes de masse, crime contre l’humanité, crime contre la pensée, crime contre la paix et crime contre la liberté méritent-ils rester impunis ? Absolument pas et c’est toute la question de la mobilisation de la communauté internationale. Ces crimes de par leur atrocité, leur caractère abominable choquent la conscience de l’humanité. Et celle-ci ne peut rester indifférente. Certes il y a beaucoup d’efforts à faire quand à la poursuite des criminels contre l’humanité quand on voit ce qui se passe au Darfour. Mais la mise en cause de la responsabilité pénale internationale du chef de la junte est sans précédent dans l’histoire de la Guinée. Pour la première fois la communauté internationale y compris les grandes puissances s’est mobilisée en faveur de la Guinée pour qu’enfin il y ait le règne de la justice. Pour la première fois les États ont préféré les droits de l’homme au real politic. La Guinée peut ainsi dire que la communauté internationale est de cœur avec elle. L’action publique internationale étant déclenchée, la compétence revient au juge pénal international d’établir la culpabilité des responsables. Le fondement de toute société qui aspire au bonheur et à la démocratie c’est la justice. C’est un devoir pour tout bon citoyen d’aider la justice internationale de faire son travail.

Que Dieu bénisse la Guinée

Kaba Lamine, Chercheur en Droit international à Paris 1


Kaba Lamine

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