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Ahmed Sékou Touré et ses Œuvres Syndicales
Ahmed Sékou Touré est souvent connu à travers son fameux discours du 25 Août 1958 face à De Gaulle,sa lutte anticoloniale et sa détermination pour l’indépendance de la Guinée en particulier et celle de l’Afrique en général.
Il est nécessaire de noter qu’en dehors de ses combats politiques, l’homme s’est illustré sur d’autres terrains aussi importants que le domaine politique : celui du syndicalisme !
Sékou Touré est né le 9 Janvier 1922 à Faranah, en Haute Guinée. Il y débuta sa scolarisation, et poursuivit sa formation professionnelle à l’école Georges Poiret à Conakry où il obtint son brevet élémentaire.
En prenant conscience de ses difficultés avec l’administration coloniale, Sékou Touré comprit très tôt qu’il ne pouvait compter que sur son travail. Son sérieux et sa rigueur lui ont servi à construire son personnage. Il fut engagé à la compagnie du Niger Français, avant de devenir, suite à un concours, employé en 1941 comme commis aux services financiers des PTT à Conakry.
Son engagement dans le syndicalisme commence en 1945, lorsque les ressortissants « d’outre-mer » eurent acquis le statut de citoyen de l’Union Française, droit qui permet aux Africains de se constituer en Partis politiques ou d’adhérer à des formations syndicales.
Alors employé aux PTT, il profite de ce droit pour créer le tout premier syndicat de Guinée, celui des travailleurs des Postes. Cet acte ne laissera pas l’administration indifférente : il est désormais considéré comme un élément dangereux. A l’instar de l’administration, il suscite l’intérêt de la CGT et devient en 1946, secrétaire général de l’union cégétiste des syndicats de Guinée. À la même année, il est invité à Paris pour assister au congrès de la CGT ; C’est son premier voyage en métropole à l’issue duquel il participe à la création de plusieurs syndicats et coordonne leurs activités.
Sékou Touré se permet alors de multiplier la création de syndicats en Guinée, mais n’en reste pas moins combatif pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, et lutter ainsi bravement contre les injustices sociales qui sévissaient sur la population ouvrière.
On le verra très tôt mettre en marche la machine syndicale pour amorcer des revendications, et déclencher des grèves. Ses actions agacent considérablement l’administration coloniale. L’un de ses premiers conflits sociaux, du 20 décembre 1945, au 4 Janvier 1946, paralysa toutes les communications téléphoniques et enregistra son premier succès.
Un autre mouvement social fut déclenché en 1947, au niveau de chemin de fer. Cette grève qui embrasera tout le territoire de l’AOF (Afrique Occidentale Française), constitua un nouveau défi relevé par les grévistes, avec un succès considérable pour le jeune fonctionnaire.
Chaque grève constitue une épreuve pour cet homme tenace et indomptable, qui mène des mouvements et remporte d’éclatantes victoires. Par conséquent, il devient le leader incontesté de toute une jeunesse en détresse.
Après la grève générale de 1952, pour le vote d’un code du travail, il engage une autre épreuve de force, face au gouverneur général de l’AOF, Paul Béchar, pour obtenir l’application totale et immédiate de ce même code du travail. Après soixante-treize jours de bras de fer, le gouverneur finit par céder. Sékou Touré vient de relever un défi majeur contre l’administration. C’est ainsi qu’il devint « une figure africaine ».
L’application de ce code du travail donne beaucoup d’avantage aux travailleurs africains. En l’espace de huit années, Sékou Touré est considéré comme un chef et meneur d’hommes. Il fit avancer des dossiers sociaux jusqu’alors craints par les représentants et les dirigeants habitués à des réformes plus modestes. Il ne passait jusqu’ici que pour un animateur syndicaliste et un dirigeant local politique.
Viennent ensuite les consécrations quand il est élu en 1955 maire de Conakry, et député à l’Assemblée de la République Française en 1956 avec son ami Saifoulaye Diallo. Une charge qui lui avait été refusée en 1954, après le décès de Yacine Diallo.
Sékou Touré siège par la suite à la commission du Travail et de la sécurité sociale, et son collègue et ami Saifoulaye Diallo à celle des Finances. Étant député, il fait moins de recours aux mouvements sociaux. Il se montre au Parlement plus parlementaire, plus éloquent et plus dialectique. Il apparaît dans ses diverses interventions comme un syndicaliste. Il ne manque pas d’occasion pour déposer des amendements de loi. Il lui arrive d’obtenir des votes. Par exemple, il réussit à faire accepter les congés payés. Au-delà des revendications des droits sociaux, l’homme était prévoyant en politique de développement économique et industriel de son pays.
On le verra à la tribune de l’Assemblée nationale étaler la mauvaise politique commerciale et l’inadaptabilité des provisions destinées au commerce guinéen. Dans ses réquisitions, il met en garde la métropole contre les conséquences des fluctuations des cours des matières premières et produits africains. La modernisation de l’artisanat et la formation professionnelle des ouvriers et d’autres groupes sociaux étaient au cœur de ses demandes.
Après cinquante années d’histoire, ces mauvaises politiques restent toujours les tristes réalités qui gangrènent et rongent continuellement le continent noir.
Certes, le syndicalisme deviendra pour lui un moyen de s’assurer le contrôle des masses, mais il a servi de levier pour l’éducation de la masse ouvrière ; Cette forme d’action s’est imposée comme méthode ou schéma d’émancipation pour les Africains. À travers le syndicalisme, le travailleur noir prit conscience de la place et du rôle des mouvements syndicaux dans la survie économique et sociale de l’État et du secteur privé.
Le syndicalisme, d’une part, a éveillé chez l’homme noir l’importance du groupe, et l’incommensurable force qu’il renferme. D’autre part, il a servi aux dirigeants africains d’école sociale, d’où ils se sont initiés à déchiffrer les maux de la société, pour lutter contre. C’est cette école qui a été le laboratoire où l’africanisation des services a commencé. Le syndicat africain affilié à celui de la métropole pour des raisons entre autres, financières et structurelles, sera rajusté au besoin du monde du travail de l’Afrique.
En 1956, Sékou Touré fait montre de prévoyance, il avait compris dès l’instant que les réalités socio-économiques de l’Afrique devaient être traitées par des structures Africaines.
Sékou Touré irrite par la suite la direction de la CGT en créant la Confédération Générale des Travailleurs africains (C.G.T.A) que la CGT fustigea au début, avant de fusionner avec la C.G.T.A en 1957, lors du congrès de Cotonou ; Congrès qui donna naissance à l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire (U.G.T.A.N). Le courage exemplaire de Sékou Touré a servi d’exemple à d’autres formations syndicales en Guinée qui devinrent autonomes.
Le syndicalisme a probablement servi à Sékou Touré de tremplin pour une carrière politique mais, il n’en reste pas moins qu’il a loyalement contribué à émanciper son pays et toutes les populations d’Afrique et au-delà.
L’Histoire retiendra la sincérité de son engagement, la justesse des actions et la prééminence de ses accomplissements. Sékou Touré, à travers ses activités syndicales et politiques, a réussi à poser les bases d’un état en lui insufflant une âme à la fois nationaliste, et panafricaniste en réformant profondément les structures, notamment dans le monde du Travail.
Ses œuvres très peu connues, furent à l’avant-garde d’un éveil continental.
Ibrahima CISSE
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