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Guinée: Le Scandale du passeport biométrique à Paris
Nous sommes le 5 mai 2016, au 232, rue de Paris à Montreuil où l'ambassade de Guinée a loué un entrepôt pour la délégation venue de la Guinée dans le cadre d'enrôlement pour le passeport Biométrique. Le Sésame des guinéens vivant à l'étranger. Sous un soleil de plomb des centaines de ressortissants guinéens, venant de toute la France, entassés comme des réfugiés débarqués à Lesbos, s'impatientent pour déposer leur dossiers, tandis que d'autres sont en attente de passer l'entretien d'authentification de la citoyenneté.
Les femmes enceintes venues, n'avaient aucune place pour s'assoir. Elles sont debout dans la foule compactée; se battent pour ne pas perdre leurs places. C'est le bailleur du lieu qui aura l’amabilité de fournir quelques chaises à ces femmes en difficulté. Etonnant, cette règle d'équité à la guinéenne qui veut que chacun se batte à arme égale favorisera d'autres, alors que des familles sont venues de Lyon, de Strasbourg, de Rouen…, certains venus du Portugal, de l'Espagne, laissant femmes et enfants dans les voitures en stationnement sous, le soleil pour préserver leur place. Des enfants dorment debout contre les jambes de leur parent. On leur refuse de passer les barrières pour aller s'asseoir à l'ombre du bâtiment. De toute évidence, il n y a pas de culture de priorité chez nos fonctionnaires. À bout de fatigue, certains sont résolus à rentrer chez eux, et veulent juste savoir si le processus sera prolongé, et jusqu’à quelle date. À se fier à l’allure des événements (scène d'émeute, intervention de la police nationale française...) le bailleur ne veut plus de nous à proximité de son magasin de meuble. De ce fait, les coordinateurs ne savent même pas quoi dire à la foule, et chacun reste dans le flou.
C’est un tableau qui rappelle les premiers moments de notre arrivée en France, avec des fils interminable devant les préfectures de police. Dès 5 heures du matin les demandeurs du passeport font la queue pour être reçus, le plutôt possible. Il est 9heures, comme indiqué dans le programme officiel, mais toujours personne à l'accueil; on commence à s’impatienter, et à s’interroger. Il est 10h, on ne voit toujours pas la super-délégation du biométrique! Il faut attendre 11 heures, soit deux heures de retard sur le planning, pour voir le travail commencer, sans un seul mot d’excuse à l’endroit de leurs concitoyens qui attendent depuis des heures dans le froid.
Des dossiers déposés depuis une semaine ne sont pas encore traités, à la différence de nos voisins sénégalais où le délai maximal est de 4 jours ouvrés, et le passeport est disponible à 30,50€. C'est vers 11h20 qu'une vingtaine de personnes ont été appelées pour faire une nouvelle queue avant la fameuse interview qui validera la demande. Le soleil brûle et le sang bout dans les veines, un cocktail qui échauffe les esprits. Quand une personne est appelée pour cette deuxième queue, elle crie et saute de joie comme un bachelier qui vient d’être admis à l’examen. La foule bonne joueuse applaudit leur compatriote chanceux, la solidarité de galère et misère oblige. Au moins, eux ils sont fair-play.
Pour obtenir le passeport biométrique il faut fournir:
-
Un extrait d'acte de naissance
-
Une copie de la carte consulaire, établir à 20€
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Un reçu de paiement de la somme de 140€, pour la zone Euros, et 110£ pour l'Angleterre, comme frais de dossier
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Deux photos d'identité sur fond blanc
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Une fiche de demande à remplir.
Cela semble simple et anodin; cependant, ce n’est que le début d’un long parcours fait de difficultés de trois ordres:
Difficulté N°1: Elle concerne la carte consulaire, qui aurait pu être mise en option (la carte consulaire ou la dernière carte électeur par exemple); d’autant plus que l'État a assuré la population de l'authenticité de données recueillies lors du dernier recensement électoral; par voie de conséquence, ces documents auraient pu servir de base pour l'établissement des passeports biométriques. Cependant, pour l'obtenir il faut au moins une demi-journée.
Difficulté N°2: le montant de 140€, une somme abusivement exorbitante et discriminatoire pour la population guinéenne à l'Étranger. Pour une demande effectuée directement en Guinée, gouvernement fixe le frais de dossier à 500000GNF, environ 50€. Pourquoi faire payer trois fois le montant d'un document officiel par une partie des citoyens? Rien ne peut justifier une telle majoration pour les Guinéens de l'Étranger. Aussi, c'est une obligation pour l'État de fournir un titre de voyage au citoyen qui en fait la demande et qui remplit les conditions requises. Il est indécent que l’Etat profite de la détresse de ses citoyens pour monter les frais d’un service administratif.
Difficulté N°3: les fonctionnaires n'ont pas été capables de fournir des formulaires en nombre suffisant pour la demande. Cela a inspiré un boutiquier maghrébin, qui en a fait un business, en faisant de nombreuses copies, proposées aux postulants à 20 centimes d’euros (environ 2000 GNF l’unité).
Le service de sécurité, recruté majoritairement parmi les jeunes de la communauté, à Château rouge, manquant complètement de tact et de professionnalisme, ne croit qu’à la méthode musclée Certains d’entre eux n’hésitent pas à menacer: «si on était en Guinée, ceux qui s'agitent allaient voir ce qu'il leur aurai été fait.»
Il est presque 16h30, officiellement aucun nouveau dossier ne sera admis ce jeudi 5 mai. Pour cause, l'équipe à l'intérieur est très débordée de travail. Comme on dit en Guinée, le chien ne change pas sa façon de s'asseoir. Quelques personnes de l'équipe d'organisation en font une affaire juteuse. En profitant de l’inquiétude et de l'impatience des demandeurs pour leur soutirer de l'argent en échange d’une transmission plus rapide de leur dossier. Le bakchich varie entre 20€ et 50€ par dossier.
À l'intérieur de la salle de traitement, les techniciens en charge des opérations manquent de maitrise de l'outil informatique, notamment du clavier. Pour saisir des données, ils cherchent et frappent nonchalamment lettre après lettre. Je refuse de croire que le pays manque autant de jeunes compétents en informatique, mais c'est apparemment le cas. Le même constat avait été fait depuis l'enrôlement pour les cartes de l'électeur.
On pouvait lire le malaise et le désarroi sur les visages. J'entends dire dans la foule «pourquoi il faut être Guinéen pour subir ce genre d'humiliation?». Des jeunes venus de Portugal n'ont même pas pu déposer leur dossier. Ils me confieront qu'ils ont des amis qui ont perdu leur travail pour défaut de passeport. Car sans passeport, pas de Carte de séjour, et sans carte de séjour pas travail. À savoir que ce sont ces guinéens de l'Étranger, comme on aime les appeler, qui se substituent à l'État pour payer des allocations, des soins de santé, et bien d'autres services aux familles restées au pays, que l'argent du contribuable devait prendre en compte. En pénalisant ces personnes on fait du mal à des milliers de familles.
J’en appelle aux plus hautes autorités du pays, notamment le président Alpha Condé, qui l’a lui-même dénoncé, en étant opposant, pour qu’ils prennent toutes mesures adéquates pour nous rendre fier de notre patrie.
Mail: cizy16@yahoo.com
CISSE Ibrahima
Derniers commentaires (6)
Merci Cissé Ibrahim pour ce brillant article. Le guinéen soufre par défaut de l'absence de patriotisme à l'administration publique et le manque de savoir faire. Les fonctionnaires guinéens en grande majorité ne son pas former pour servir les citoyens. Ils on une culture de se servir. C'est un problème qui a son origine au plus haut niveau de l'état. La grande majorité des fonctionnaires guinéens ne savent pas les rôles et objectives de leurs postes.
Posté le 07/05/2016 à 21:46 : Par Amara NABÉ
Bien dit cher Nabé. Vous avez tout résumé: la Guinée est malade de ses cadres; de leur cupidité et de leur incompétence; en tout cas dans leur majorité. C'est dommage que chaque acte posé devienne une source d'humiliation supplémentaire pour la nation, plutôt qu'une fierté. Merci et félicitation à Mr Cissé pour son acte militant, et d'avoir dénoncé ces pratiques qui ne nous honorent pas.
Posté le 07/05/2016 à 22:55 : Par SINANI
Le problème Guinéen est très profond
Oui mon frère CISSE, c'est triste; Mais le problème Guinéen est très profond.Nous sommes tous victimes y compris ces personnes mêmes qui sont en cause, de notre naïveté, de notre subjectivisme et du manque de discernement. Cette affaire de Passeport n'est qu'un échantillon de la réalité Guinéenne à tous point de vu. la société Guinéenne est intoxiquée par des théories qui relèvent de l'âge de la pierre et tout le monde se réfugie dans l'indifférence ou la fatalité; pourtant rien que ce problème de passeport à lui seul, prouve à suffisance que tout nous est commun. La nation toute entière est prise en otage par la stratégie des démagogues et des médiocres qui consiste à assimiler la moindre critique ou analyse à l'expression d'une frustration ou d'un anti ceci ou cela...Sans débats objectifs contradictoire,sans auto-critique courageux et serein, toute chance de changement et de progrès est impossible. la franchise, les gens l'apprécient chez vous,à condition qu'elle ne s'exprime jamais à leur détriment. Nous ne savons peut être pas ce que nous sommes, mais on sait que l'on veut! Les Guinéens ont désormais besoin de responsables qui rayonnent d'amour, de dignité et de patriotisme.Je salue ta volonté et ton courage.Fraternellement, M L KEITA.
Posté le 08/05/2016 à 13:46 : Par MLKeita
L'AMATEURISME ET LA CORRUPTION SONT GUINEENS
Monsieur Cissé, le mal de notre pays réside dans la culture de la médiocrité. Les Hommes compétents ayant le savoir-faire sont détestés par les médiocres. A cela s'ajoute la corruption grandissante de jour au jour en Guinée. Enfin, le patriotisme est devenu une denrée quasi-inexistante dans notre pays. Nos compatriotes de conviction, engagés pour l'intérêt général, doivent se donner la main pour un mouvement populaire de prise de conscience, afin de changer les choses. Car le changement tant attendu n'est pas encore au rendez-vous.
Posté le 09/05/2016 à 16:55 : Par mandenka
Monsieur le président, j'ai toujours voté pour vous. Croyant que vos concurrents ont tous participé, à la destruction économique et sociale de mon pays; par le pillage des ressources et la perversion de nos valeurs. Je n'attendais pas de vous de faire de la Guinée un pays émergent ni de rattraper les "50 ans de retard" en deux mandats. J'attendais simplement de vous; la protection et le respect du peuple. De faire respecter l'ordre, la discipline et la justice. Vous accusez vos opposants d'avoir pillé le pays et les menacez de publier les rapports d'audit. Hélas, ce qui se passe autour de vous est sans commentaire. Vos proches, ceux qui devraient conduire le changement tant chanté, sont en train de se distribuer les ressources du pays de la manière la plus éhontée et dans l'impunité la plus insolente, encouragée par vous-même. Aujourd'hui, vous ne parlez plus d'audit, car vous et vos proches n'ont plus les mains propres. Monsieur le président, sachez qu'un audit sera fait de votre gestion, et les résultats seront publiés. Les opposants mis en cause n'ont été que ministres et premiers ministres. En revanche vous, vous êtes Président. Le jugement des Guinéens et de l'histoire sera plus sévère vis-à-vis de vous qu'à leur égard. Monsieur le président, mettez fin à ces pratiques anti-démocratique et anti-développement endémiques. Meilleures salutations.
Posté le 10/05/2016 à 17:33 : Par Sakho1
le portrait craché du vrai guinéen
Tu as fait la narration du prototype guinéen c'est exactement que le guinéen se comporte. je suis vraiment désolé pour nos compatriotes de l'étranger.Bon courage à vous et prions le tout puissant Allah pour un véritable changement. frèro merci cette brillante information riche de réalité. J'encourage tousles autres compatriotes à en faire autant.
Posté le 13/05/2016 à 08:22 : Par kadjaly
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