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À mes frères peulhs de Guinée ou comment être un citoyen modèle
Chers frères,
Les élections passées suscitent beaucoup d’espoirs et autant d’inquiétude de la part des guinéens. C’est aussi l’occasion de dépassionner le débat et de parler de certaines choses taboues. Le but étant de détruire certaines idées fausses que certains s’amusent à concocter et à distiller depuis plusieurs années. Il ne s’agit aucunement de polémiquer, mais de contribuer au renforcement de la cohésion nationale dans ce pays où on juge désormais tous nos actes à travers notre patronyme, même s’il ya, il faut le reconnaître, le plus souvent une corrélation entre les deux.
A propos de l’appartenance peulh et de l’alternance ethnique
Dieu dit, dans le verset de la diversité : « ô hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous fassiez connaissance. Le plus noble d'entre vous, auprès d'Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur. » (Coran 49:13)
Les peulhs, à travers leur nomadisme et leur esprit d’aventure sont aujourd’hui, présents dans de nombreux pays africains, et du monde. Ils sont d’une très grande diversité ; et cela se constate sur le continent. Il ya les peulhs du Foutah Djalon (Guinée), les peulhs toucouleurs de Dinguiraye et du Foutah Toro (Senegal), les peulh du Wassolon (Guinée et Mali), les peulhs du Macina à Ségou (Mali), les peulh Foulani du Sokoto (Nigeria), et les peulhs d’Adamawa (Cameroun). Ils comptent parmi leurs dignes fils, Ousmane dan Fodio, fondateur de l'empire de Sokoto, Elhadj Oumar tall, Alpha yaya Diallo, Almamy Bocar Biro Barry, Amadou Hampâté Bâ, Cheick Hamidou Kane, et bien d’autres.
Cette appartenance sociale, créée par Dieu, permet la diversité et favorise la solidarité entre les éléments d’un même groupe ethnique, national, ou continental. Elle renforce les sentiments de compassion et d’affection à travers les liens familiaux. Dans ce cas, avoir de la préférence pour quelqu’un de son ethnie n’est pas un mal en soi ; cela est même quelque chose de salutaire. Ce qui pose réellement problème, c’est de ne préférer que soi et les siens, même si l’autre que l’on rejette est meilleur que soi. Ainsi, le lien social ou ethnique peut être une force de cohésion ou de rupture, selon le contexte.
Chers frères,
La fraternité des valeurs (existant entre personnes ayant le même idéal) doit l’emporter sur la fraternité du sang (entre personnes ayant le même ascendant) et la fraternité linguistique (entre personnes parlant la même langue). Une nation est un ensemble d’individus qui ont en commun, un territoire, un drapeau et une devise, mais pas forcement un même dialecte ou un même sang.
Dans cette élection, c’est le slogan « notre tour » qui a été l’élément mobilisateur, et la langue peulh (Haal-poular), l’élément fédérateur. C’est ce qui explique d’ailleurs qu’a Dinguiraye, l’UFDG soit largement arrivé en tête, alors qu’ils ne font pas partie géographiquement du Foutah. Dans cette ville toucouleur de la haute Guinée, frontalière de Siguiri, où l’on trouve des Tall, des Sall, des Sy et des Ly, en lieu et place des Diallo, des Barry, des Bah et des Sow, cohabitant avec les malinkés depuis des siècles, on a préférer voter pour les « frères de langue ». Cette fraternité linguistique exclue de facto le peulh de Wassolon qui ne parle pas le poular, mais un dialecte apparenté au malinké, à cause de son assimilation mandingue.
A travers le slogan « notre tour », « l’alliance des perdants » a réussit à transformer cette élection en referendum contre les peulh. Ce slogan fait peur, puisqu’il se fait au détriment de l’unité nationale, et met « l’intérêt peulh » au dessus de l’intérêt national. Et à cela, s’ajoutent l’influence négative des lobbies rêvant d’une alternance ethnique, et dont les articles de presses nauséabonds, qui pullulent actuellement sur le net, ne cessent de chauffer à blanc les frustrations fictives et réelles des peulhs. C’est le doyen Bah Mamadou qui, en disant tout haut ce que beaucoup de peulhs pensait tout bas, a jeté la première pierre. Cependant, n’oublions pas que chaque fois qu’une ethnie réclame « son tour » de gouverner, cela conduit inéluctablement à une crise sociale majeure. Nous avons pour exemple la Côte d’Ivoire (Baoulés, Bétés et Dioulas) et le Rwanda (Hutus et Tutsis). Même si officiellement, pour des raisons tactiques, le slogan de l’UFDG était au premier tour « pour une guinée unie et prospère », la motivation est restée « l’alternance ethnique et une revanche des peulhs sur l’histoire ». Mais de quelle revanche parle-t-on ? Puisque parler de revanche, ce serait admettre qu’il ya eu injustice. Encore faudrait-il savoir par qui et contre qui ? Sékou Touré a été élu, et personne n’a donné de tour à Lansana Conté ou à Moussa Dadis Camara. Parler dans ce cas de tour est un mensonge éhonté et une manipulation sordide. D’ailleurs le même argument avait été repris par Dadis, avec les conséquences que nous connaissons en forêt. Sachons une fois pour toute qu’il ne peut y avoir une solution ethniques à un problème National. Nous cherchons un président pour la Guinée, non un président pour le Foutah ou une quelconque région.
Chers frères ! La paix, disait le président Félix Houphouët Boigny, « n’est pas un mot, c’est un comportement ». L’exacerbation des tensions ethniques finit toujours dans un bain de sang. Ne vous enfermez pas dans un piège dont vous serez les premières victimes ; car quand on règne par l’épée, on périra par l’épée. On ne peut pas avoir pour seul programme politique l’accession au pouvoir par l’ethnie et la dénonciation d’un régime d’il ya plus de 25 ans. L’avenir se construit en regardant le futur, tout en s’inspirant du passé. Tous les peuples qui ont voulu s’enfermer dans le passé, ont cultivé un traumatisme tant réel que fictif, qui les a rendus égoïstes et associables. Nous avons tous fait une prière que Dieu a exaucée, celle d’accorder à ce pays un dirigeant qui fera son bonheur. Ne pas accepter ce verdict des urnes, c’est alors se rebeller contre Dieu et les hommes.
Mohamed Lamine SIDIBÉ
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