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HARO SUR LA FORTUNE D’UN ANCIEN MINISTRE

scanned-office-depot-photo-jpg Pendant près  d’un quart de siècle, je veux dire durant tout le règne de Lansana Conté, les détournements, la corruption et la concussion étaient devenus des pratiques courantes en Guinée. Nombreux étaient nos ministres pour qui l’ultime but de la fonction était de s’enrichir au détriment du peuple. Leurs investissements mobiliers et immobiliers à l’étranger se chiffrent à des milliards de dollars ; une véritable saignée pour l’économie guinéenne. La corruption était devenue si rampante en Guinée que les organismes internationaux avaient classé notre pays dans le peloton peu enviable des nations les plus corrompues de la planète.

Parmi nos hommes politiques qui ont souvent confondu leurs poches et les caisses de l’État, il en est un qui se distingue particulièrement à la fois par l’étendue de sa fortune et le projet politique qu’il veut accomplir avec cette richesse. Récemment, la presse sénégalaise a élu l’ancien premier ministre Cellou Dalein meilleur investisseur étranger au Sénégal. En tant qu’Africain, je ne peux que me réjouir de toute contribution faite au développement économique et social du Sénégal. Mais c’est l’origine des fonds investis qui pose ici problème. Juridiquement, la subtilisation de fonds publics et leur investissement à l’étranger constituent une opération de blanchiment de capitaux, un  crime financier puni par le code pénal de la plupart des pays. Et même si les investissements de Cellou Dalein au Sénégal étaient juridiquement légaux, ils sont loin d’être moralement acceptables. Le trophée décerné à  notre compatriote a un goût amer pour nous autres Guinéens. C’est un véritable coup de poignard dans le dos du peuple dont on a détourné les richesses.

Acquise au prix de fraudes, surfacturations, commissions illicites, dessous-de- table et détournements, la fortune colossale de Cellou Dalein ne devrait pas nous laisser indifférents.  Jamais, dans l’histoire de notre pays, un ministre n’a accumulé une telle richesse dans l’exercice de ses fonctions. Après avoir longtemps joué les vierges aux mains propres, l’ancien premier ministre a finalement montré son vrai visage de prédateur. L’inventaire de ses avoirs à l’étranger donne le vertige : des millions de dollars déposés dans les banques étrangères, des villas au Sénégal, en France et au Maroc, des centaines de véhicules de transports, plusieurs supermarchés, des stations d’essence, etc. D’où vient cette richesse phénoménale amassée au fil des ans ? Comment un modeste fonctionnaire, qui ne peut se prévaloir d’aucune fortune familiale, a-t-il pu devenir l’un des hommes les plus riches de la Guinée ? Cellou Dalein ne peut plus observer le silence sur l’origine de sa fortune. Les Guinéens ont droit à des explications de sa part.

L’enrichissement illicite de Cellou Dalein est troublant à plus d’un titre. Telle une taupe dans les différents gouvernements  auxquels il a appartenu, ce compatriote a en fait travaillé pour la prospérité de l’économie sénégalaise. Sa patrie, c’est le pays de la Téranga auquel il a toujours voué un attachement indéfectible. Pendant qu’il finançait les secteurs vitaux de l’économie sénégalaise (infrastructure, transport, commerce, etc..), l’ancien premier ministre n’a jamais manifesté le moindre intérêt pour le développement économique et social de sa région natale. Une fraction de ses investissements au Sénégal aurait suffit pour entretenir des routes, construire des écoles et des hôpitaux en Guinée. Mais pour l’homme d’affaires guinéen,  le Fouta Djallon ne vaut pas le Fouta Toro.  Peu lui importe le sort des Guinéens. Véritable conquistador des temps modernes, il a toujours considéré la Guinée  comme  une terre étrangère, un eldorado  à exploiter pour financer la croissance  de sa patrie d’adoption, le Sénégal.

Comment dès lors ne pas s’étonner que ce Guinéen de naissance mais Sénégalais de cœur et de raison, ait voulu accéder à la magistrature suprême dans notre pays. Son élection à la présidence de la république aurait eu de graves conséquences économiques pour la Guinée. Nul doute qu’il aurait multiplié les réseaux symbiotiques clandestins impliquant à la fois des dirigeants politiques et des commerçants véreux pour accentuer la fuite de capitaux guinéens vers l’étranger.

En un sens, les Guinéens peuvent se féliciter d’avoir fait un bon choix aux élections présidentielles de 2010. Ils ont su éviter l’élection à la présidence d’un affairiste dont l’allégeance est incertaine. S’il était élu, Cellou Dalein aurait  certainement juré fidélité à la Guinée, mais ses actes prouvent le contraire. Dans tous les ministères où il est passé, l’ancien premier ministre a créé une culture de la corruption et de l’impunité. La cession de la Sotelgui aux Malaysiens, la liquidation des bus de la Sogetrag et la vente d’Air Guinée, constituent quelques exemples de transactions faites dans le plus grand secret et au mépris des intérêts de l’État guinéen ;  le principal bénéficiaire étant bien sûr Mr. Dalein lui-même.

Aujourd’hui, je m’étonne que la révélation de l’ampleur de la dévastation financière  causée par Cellou Dalein  n’ait pas suscité plus d’indignation parmi nous.  Encore une « exception guinéenne ». Il est vrai que, dans la diaspora, surtout depuis les dernières élections présidentielles, certains de nos compatriotes se sont empressés de lui dresser des couronnes. Je crois bon de les lui enlever. Le pire serait de considérer la corruption en Guinée comme une fatalité. N’accordons aucun répit aux  requins avides qui se sont arrogé tous les droits et se sont accaparé nos richesses. Ce serait injuste et immoral de légitimer la corruption.  A cet égard,  mon admiration va à un certain Dadis Camara qui, malgré ses erreurs, a su faire trembler tous les prédateurs de l’économie guinéenne. Inflexible, il savait utiliser la manière forte pour traquer les auteurs de crimes économiques : la horde d’anciens premiers ministres, ministres des finances et ministres de l’énergie, qui a impitoyablement ruiné l’économie guinéenne et cherche aujourd’hui à se refaire une virginité. Seul contre tous, Dadis a combattu la culture du laxisme et de la permissivité en Guinée. Dommage que son bref passage se soit terminé dans le sang et la violence.

Enfin, s’il est une leçon à tirer de ce qu’il convient d’appeler l’affaire Cellou Dalein, c’est la nécessité de remettre l’État guinéen au sommet de la morale politique. Il est indispensable que les agents de l’État incarnent dans l’opinion des valeurs morales premières comme le désintéressement et l’intégrité. Pour y parvenir, les pouvoirs publics doivent définir en Guinée un code de déontologie professionnelle pour tous les agents publics et agents dépositaires de l’autorité publique.  Au cours des décennies écoulées, notre pays a souffert d’une crise morale sans précédent dans son histoire. L’avènement des militaires au pouvoir s’est traduit par une gabegie totale, un affaiblissement de l’autorité de l’État et une décomposition du tissu social. De la combinaison de ces facteurs est née une attitude perverse envers la chose publique. L’État est devenu la vache laitière de certains agents de la fonction publique. Le gouvernement de Mohamed Saïd Fofana  doit inlassablement lutter contre la propension à s’enrichir assez élevée chez nos ministres et hauts fonctionnaires. L’avenir de la Guinée dépend, dans une large mesure, de la probité morale de ceux qui ont la charge de la diriger.

 

Mamadi Keita Babila

Washington, DC

États-Unis d’Amérique


Mamadi Keita Babila

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